(Ph. Ramette)
De temps en temps j'aime dormir dans mon lit à l'envers, la tête à la place des pieds et vice versa. Au réveil, j'ai toujours l'impression de me réveiller dans un endroit inconnu, il me faut quelques secondes avant de comprendre où je suis. Sensation infra-mince qui me rappelle à mon état réel : l'absence de repères. Comme tout le monde, et ça m'inquiète parfois, mais ça m'enivre surtout. On devrait faire plus de choses à l'envers, regarder la ville à l'envers par exemple, en guise d'anti-coagulant du regard, de la conscience. C'était je crois d'ailleurs la stratégie publicitaire d'une boîte douteuse à Tokyo ; ils collaient leurs affiches à l'envers, on ne voyait qu'elles. Alfred Jarry, paraît-il, avait pris un repas en commençant par le digestif. Un jour, je pensais aux palindromes en m'habillant, j'ai mis mon slip à l'envers. Un coup de canne et le pont de Kafka se retourne. Qui se souvient de Daddy Mac et de Mac Daddy ? Un message obscène enregistré et passé à l'envers donnait le nom et le prénom d'un ami, dont la chevelure touffue était une piste de crash pour avions en papier. En grandissant, j'ai arrêté de courir dans les escalators en sens inverse. Est-il possible de ramper à l'envers ? Sur le dos ? De ramper dans le temps, dans toutes les directions, la tête à ciel ouvert ? Je repense à l'artiste Philippe Ramette, spécialiste des espaces déstabilisés... Ainsi qu'à mon premier court-métrage, Queue, montrant en surimpression une cigarette se reconstituer à partir du mégot, sur fond de cage d'escalier où tous attendaient longuement d'être téléportés dans les vignes, pour y rencontrer l'ours tamponneur.
0 件のコメント:
コメントを投稿