furomaju

furomaju

2016年5月12日木曜日

Note sur Nuits sans nuit de Michel Leiris

J’aime rêver, j’attends chaque nuit avec impatience, pour être témoin des histoires de fou qu’elle me réserve. En général, je ne suis pas déçu, mes rêves vont assez loin dans la bouffonnerie, le body horror et les hybrides non-homologués. Rêver, c’est accueillir l’étranger en soi, je me rappelle avoir rêvé d’être un mouton en spaghettis qui cherchait de la sauce. J’aime rêver dans une langue étrangère, rêver en split screen ou bien faire des meta-cauchemars, avec prise de conscience soudaine du scénario et critiques en temps réel avec les protagonistes du rêve. Le rêve dirigé m’intéresse moins, j’ai essayé en vain, et ce que j’aime c’est justement la surprise et l’abandon intégral. 

  

J’ai lu Nuits sans nuit de Michel Leiris, journal intime de rêves, suite de récits de rêves écrits au réveil, “négatif” (au sens photographique) de son journal diurne. Excepté un rêve non-daté (“rêve très ancien”), les rêves enregistrés par Leiris vont de 1923 (Leiris était alors surréaliste) jusqu’en 1960 : quarante années de rêves, régulièrement consignés. Sur la quatrième de couverture, Leiris tente de définir le rêve, d’abord par ce qu’il n’est pas : ni évasion (il vient du “même creuset que nos pensées du jour”), ni “révélation” en lui-même (l’interprétation se fait à l’état de veille, en pleine lucidité, par association d’idées). Pour Leiris, le rêve est bel et bien “poésie”, si poésie signifie “activité de l’esprit” (l’expression est de Tzara). Pas (ou vraiment très peu) d’analyses des rêves, le lecteur doit se contenter de leur contenu manifeste, les rêves sont des poèmes, à accepter tels qu’ils sont, sans chercher de sens caché. Le rêve est fragile, un rien le brise... Les interpréter, ou chercher à le faire, reviendrait à se rendre dans une galerie ou un musée et à tout casser, ce qui est parfois tentant (je pense aux expos de Takashi Murakami), mais non, en fait. Je raconte absolument n’importe quoi ! Cette digression inutile et à peine drôle pour dire qu’en lisant Nuits sans nuit, je n’ai pas essayé de relier ces rêves à ce que je savais de l’auteur, je les ai lus comme des poèmes fantastiques parfaitement autonomes, tenant debout tout seuls comme des grands. Cette note passée inaperçue dans Cool Memories V de Baudrillard me paraît importante, pour redéfinir le rêve comme séduction : 

“Au lieu que le rêve soit le lieu d’accomplissement de désirs venus de la vie réelle, ce serait le réel qui serait le lieu d’accomplissement de désirs nés du rêve”. 

Voici ceux que j’ai préférés :

 

Que j’aimerais me changer en pile d’assiettes quand une conversation m’ennuie !


LE FÂCHEUX : oui alors transversalité gnagnagna création d’imaginaire pour une entreprise gnagnagna  gnagnagna Maffesoli gnagnagna

RALOUF (se transforme en pile d’assiettes)


 


Parfaite définition du rêve, objet burlesque et gracieux.


 


Je voudrais voir un film ou un dessin animé, en vue subjective, montrant un type coincé en 2D dans une toile cubiste...


 


L’amour comme suite de chromos prévisibles, mais peut-être aussi : naïveté nécessaire, esprit d’enfance retrouvé...


 

Pendant ma lecture, je me suis souvenu d’un petit texte de Roland Barthes, qui opposait le récit de rêve, définitivement ennuyeux, au fantasme (à lire ci-dessus). À mon avis, Leiris fait mentir Barthes la plupart du temps. Ses récits de rêves sont en grande majorité troublants, drôles, inquiétants, mystérieux... Séduisants. Ils “donnent à voir” immédiatement. Pas tous, les récits les plus longs (deux ou trois pages) sont moins intéressants, l’impact est moins fort ; les meilleurs sont, je pense, les plus courts et/ou ceux dont le référent est connu (Breton, Desnos par exemple). 

 

Certains rêves laissent apparaître le goût de Leiris pour le jeu sur la matérialité du langage, la remotivation de l’arbitraire du signe, ainsi ce rêve de noyade qui s’achève, au réveil, par cette phrase digne de Glossaire j’y serre mes gloses (elle y figure peut-être ? je ne sais plus) : “Nadia, naïade noyée”. Leiris précise que cette phrase agit à la fois comme “explication” et comme “consolation”, c’est sans doute une clé pour comprendre son rapport à la poésie (zut, on avait dit pas d’analyse). 

Beau recueil donc, qui montre que la passion de Leiris pour le rêve s’est poursuivie bien après sa période surréaliste. Ce n’est peut-être pas le premier livre à lire pour découvrir Leiris (L’Âge d’homme ! le Glossaire !), de plus je conseille d’y aller doucement, de picorer sous peine de se lasser assez vite... Mais enfin, j’ai beaucoup aimé, ce livre m’a donné envie de 

1) le cut-uper, le “poème-expresser”, le “haïkuiser” (réduire chaque rêve à quelques-uns de ses traits saillants)

2) reprendre le “journal de rêves” que j’avais tenu trois semaines quand j’étais lycéen, pendant les grandes vacances (je ne connaissais pas Leiris à l’époque, le surréalisme à peine). Chaque soir, je mettais le réveil à 4 heures du matin, avec un carnet et un stylo à côté du lit. J’écrivais le rêve et me rendormais aussitôt. 


  


PS : Inséré dans un récit de rêve, ce souvenir “réel” m’a rappelé l’émerveillement ressenti en avion lors du survol de la Sibérie, je m’étais aussi fait la réflexion qu’on dirait vraiment des “sumi-e”, dessins à l’encre de Chine... 


 

0 件のコメント:

コメントを投稿